Le solaire pour les radins

(de l'ECS dans le 71 par Xavier Vincent / Savigny sur Seille )

xeooex_AT_gmail.com



Introduction : Une lourde hérédité


Le titre de ce compte rendu, c'est un petit clin d’œil à la mémoire de mon grand-père, qui fût classé comme radin puisqu'il :

Julien, en fait tu étais juste « écolo » avant l'heure.


Est ce l'effet de l'hérédité ?
J'aime bien récupérer quand c'est possible, démonter, et dépendre le moins possible des autres.

C'est grave docteur ?

Chapitre 1 : La découverte du solaire

Au départ c'est une occasion qui se présente sous la forme d'un voisin qui décidant de faire creuser sa piscine, se débarrasse de sa hors sol pour une poignée d'euros.

Mes enfants qui subissent sans broncher tous mes travaux, pourront en profiter, ce sera toujours plus spacieux que le baquet « galva » de mon enfance, et moins loin que la piscine municipale du village du secteur.
Un montage et 13M3 d'eau plus tard, tout le monde est dans l'eau… fraîche, pour ne pas dire froide. La fraîcheur des nuits et un soleil capricieux font que la température peine à monter alors que le tuyau d'arrosage resté à côté est bouillant.
Après quelques recherches sur internet, je trouve un bête « capteur d'énergie solaire 7m2 » pour un peu plus de 150€ et en plus c'est disponible dans un magasin près de chez moi (bien planqué quand même, car les modèles exposés sont plus proche du double).
C'est un tapis de tuyaux en polyéthylène qui se branche sur la filtration de la piscine.
+5° par jour pour 20M3 qu'ils disent… On verra bien.
La piscine monte en température la journée mais refroidit bien la nuit. Il faut dire que le hors sol c'est loin d'être isolé, surtout sans bâche.
2 à 3 jours de soleil plus tard, le spa, heu non la piscine ne descend plus sous les 30°, on doit contourner le circuit. Le soleil est bien plus puissant que ce que l'on peut imaginer, même en région centre est.
Bon le solaire basique, ça fonctionne bien pour une piscine, on peut débuter la saison plus tôt que les autres et finir plus tard.
Mais peut on pour autant se chauffer ou faire son eau chaude ?


Chapitre 2 : La découverte de l 'APPER

C'est au détour du résultat d'un moteur de recherche que je découvre un forum français peuplé de membres qui parlent un patois bien étrange. Qui sont donc ces adorateurs du soleil qui parlent d'ECS, de CSS et autres capteurs ?
Bonne nouvelle, ils ne mordent pas, et personne ne m'a demandé de vendre tous mes biens terrestres et de me raser le crane.
Par contre ils s'injectent direct le soleil en intraveineuses… Ça à l'air grave addictif leur truc… Ils ont même une « bible » écrite par quelques « gourous » sudistes.
Je commande donc « Installer un chauffage ou un chauffe-eau Solaire » et prends quelques repères.
Isoler avant toute chose. Oui mais c'est que je ne la connais pas encore ma maison, ni le climat de la région. Pas de recul, mais des travaux en cours. Ça tombe bien j'ai commencé à isoler, j'ai donc pris le bon chemin intuitivement.
L'étage supérieur de la maison des années 60 est vierge : les tuiles, l'écran sous toiture, le grenier, des cartons (10cm d'épaisseur) au sol, la dalle béton.



Le toit va hériter de 200 + 100mm de laine de verre.



Le rez de chaussée (de jardin plutôt vu la localisation rurale), c'est un plafond ourdis béton à 2,70m de hauteur, pas de vide sanitaire. Les murs sont méga solides. Porteurs en parpaings béton, extérieurs dits « tuilés » (façon mille feuilles : une tuile, une couche de béton, une tuile, etc …).
L'électricité en 380V, c'est tout un arc en ciel de couleurs en dehors des normes les plus élémentaires.



Je vais descendre les plafonds à 2,50m et doubler les murs progressivement, j'en profiterai pour faire passer l'électricité.


Le chauffage central au gaz en tuyaux ferraille est moribond, la chaudière est récente.
Les travaux d'urgence sont lancés.

En parallèle je décide de mieux connaître la maison et la région et ne pas me contenter du ressenti.
C'est là que l'esprit APPER se manifeste.
Un membre de mon secteur, ppjura me fait visiter son installation, tandis que je m'empare des montages électroniques de Patrick07.
Je ne dispose pas du matériel pour graver les circuits. Ce n'est pas grave, papoune47 se porte volontaire.



J'ai des soucis de fonctionnement/calibrage au niveau du montage électronique, chacun m'aide à distance.
Je découvre le millénium M3, le couteau suisse du bricoleur et le programme de Pasquall pour monitorer tout ça.
Au final, j'ai quelques capteurs de température et un solarimètre artisanaux qui vont « causer » sur le comportement de la maison et le climat local.




J'apprends à lire les douches, le chauffage.
La maison est assez peu sensible aux variations extérieures.




A la lecture des courbes je découvre le déphasage de la maison et les effets bénéfiques avérés de l'isolation.
Je découvre le comportement de la chaudière qui travaille finalement sur des températures moins élevées que je ne le pensais une grande partie de la saison de chauffe. (30 à 40°)




Que celle-ci passe une bonne partie de son temps à faire de l'ECS pour des enfants qui sont finalement très proches des poissons exotiques, que le ballon ECS perd rapidement de la chaleur qui semble transférée vers le chauffage central.
J'apprends aussi que les jours 100 % pluie dans mon esprit sont finalement ponctués de longues éclaircies.
Que le soleil du matin, disparaît très vite au profit du brouillard ou des nuages et ne fait sa réapparition que vers 10h – 11h et que l'ombre de mes grands arbres au Sud Est de la propriété, ne change finalement pas grand-chose à l'ensoleillement.
Que le mois de Décembre pour lequel je cherche le meilleur angle d'inclinaison des futurs capteurs n'a pas eu une seule journée hors du brouillard !!!!
Que janvier est froid mais ensoleillé.

Je suis contaminé. Il me faut des panneaux solaires !


Chapitre 3 : La fausse bonne idée

Je parcours les petites annonces de mon secteur et découvre des panneaux artisanaux, voire expérimentaux, qui servaient à chauffer une piscine.



C'est du rustique, du « lourd » au propre comme au figuré :
6 panneaux de 1,20 x 2,50 m. Un fond constitué de plaques d'ascenseur, des montants en alu, un serpentin en cuivre de 18 fixé sommairement par des colliers. Une vitre sécurit 5mm en 3 parties de 80x120 chacune. Un total de près de 130kg par bête...
Aucune isolation, une très mauvaise diffusion entre le fond et le serpentin.

Qu'importe : même pas peur, je trouverai bien un feuillard de cuivre pour fabriquer des ailettes et de quoi isoler.

Un splendide échangeur à plaques est vendu avec les vannes tuyaux PVC (chlore de la piscine oblige) et un circulateur.

Je prépare et installe des supports maison en cornière soudée sur un toit plat orienté plein sud pour accueillir le tout. Je monte même un capteur pour des essais de résistance au vent.
Rien ne bouge. Je peux même décaler mes 2 champs de capteurs pour que le premier fasse peu d'ombre au second.

Le cuivre c'est cher, même en occasion. Le feuillard (au prix brut du cuivre) me reviendrait à 500€, soit plus que le prix des capteurs + échangeur.
L'isolation polystyrène ne supportera pas la chaleur et la laine de roche ne supportera pas les trous de plaques et l'eau qui y rentrera.
Le temps à y passer serait monstrueux pour un résultat sans doute médiocre. On oublie le panneau fait maison.





Chapitre 4 : Le plan B

Et c'est reparti pour les petites annonces…

Pendant ce temps, les panneaux sont démontés proprement.
Je récupère des vitres très solides (le vent a testé la chute pour moi). Je pourrai toujours en faire des châssis pour la culture.
La plaque de fond sera réutilisée pour blinder l’abri du cheval. (Je devrais peut être le déclarer comme bunker?)
Les montants alu seront utilisés comme supports ou pour les différents bricolages
Le cuivre sera revendu au poids à la fin des travaux plomberie/ électricité.
Les supports seront réutilisés comme rayonnage pour stocker le matériel de bricolage.


Une annonce un peu plus lointaine propose des vieux panneaux Giordano C2. C'est marqué « faire offre ». Les panneaux ont été démontés par un pro suite à des travaux, nettoyés de leurs boues et stockés proprement dans une caisse en vue d'un remontage qui n'aura jamais lieu en raison d'un changement de projet de la collectivité.
Je cherche des infos sur le forum. Je contacte Patrick13 qui connaît ce modèle increvable aux performances modestes. Il me renseigne aimablement sur un prix estimé correct.
Le professionnel qui les vend ne souhaite pas faire de détail, ni voir ces panneaux fonctionnels partir pour récupération des matériaux. Le contact passe bien, mon offre le satisfait (500€ pour 25 panneaux).
Me voici donc à traverser le Morvan au mois de janvier, avec les chutes de neige, le monospace familial et la remorque derrière.
Je rencontre le professionnel, lui parle de mon projet solaire, de mes travaux de chauffage central et finalement je repars avec 26 panneaux, un régulateur de chauffage siemens avec ses capteurs de T°, le circulateur solaire avec son boitier, son vase d'expansion, sa régulation Eberle SHR 521 20 (type deltasol)… et les supports à 45° des capteurs.
L'arrière du monospace est plein (heureusement j'étais seul sinon les enfants restaient là bas) la remorque est complète avec les capteurs.





Chapitre 5 : l'âge de raison ? / « Deux intellectuels assis vont moins loin qu'une brute qui marche » (Michel Audiard)

Au diable les calculs… Les supports fournis sont à 45°, les 17m² de panneaux peints devraient compenser la production médiocre. Décembre ne voit pas le soleil et l'été ça chauffera moins.

Je dispose d'assez de place sur le toit plat pour éviter que les panneaux de devant ne fassent masque pour ceux de derrière. Je corrige les 10 % de décalage sud de la maison.
Sur le papier ça passe.

En pratique c'est près de 500€ de raccords et tubes en cuivre pour couvrir la boucle de Tickelman et son fameux équilibrage. Les panneaux seront couplés par 2 en parallèle avec un circuit équilibré.
Le montage débute en avril et une mise en eau claire est effectuée vers juin-juillet.
Entre temps le toit plat était devenu poreux,et j'en ai donc profité pour le recouvrir de rouleaux bitumes/alu. Plus d'infiltrations et réflexion du soleil. Les garages sont frais, hors eau et la lumière pénètre plus profond à l'étage dans la maison. Peut être les panneaux en bénéficient ils aussi un peu ?







Le ballon de stockage est constitué d'un vieux cumulus dénucléarisé, dont le sens de circulation est inversé. Ça chauffe, mais ça brasse aussi. C'est pas idéal mais ça ne coûte rien. Les 300litres sont au taquet en 1h30 (plus de 70° au glycol, un peu plus à l'eau claire, il y a eu des pointes à 90°). L'eau froide qui croise la sortie chaude évite les brûlures et quand le cumulus ne charge plus, une vanne manuelle permet de rétablir le fonctionnement presque normal (pas de résistance).



J'ai profité du remplissage direct en eau claire pour tester le circuit sous 7 à 8 bars.
Pendant tout l'été ce sera eau de la ville pour le circuit panneaux solaires-échangeur.
À l'automne, le glycol à remplacé l'eau claire. Mais là il a fallu pomper 40 litres au pulvérisateur, enfin pas tout à fait. Le pulvériseur a été équipé d'un raccord pneumatique rapide et connecté sur le compresseur. En contrôlant la pression, on pousse juste ce qu'il faut, on ferme le robinet du circuit,panneaux, on recharge de 5 litres le pulvérisateur puis on recommence. Le purgeur s'occupe ensuite de l'air et on recommence pendant quelques jours pour l'appoint.

L'ECS tout solaire de l'été est modifiable en ECS chaudière par quelques manettes 1/4 de tour.
300 litres pour 6, il n'y a rien de trop.
Pour l'hiver, même si 30° sont atteints facilement, c'est insuffisant pour le réseau ECS.
Manipuler les manettes est possible, mais sortir de la douche, se rendre dans le frigo, … enfin le garage pour basculer les manettes ou affronter les regards accusateurs des membres de la famille qui ont subi l'eau froide c'est assez contraignant.



Le circuit a donc été modifié.
J'ai ajouté un petit ballon réserve modulable sur le stockage et ai sacrifié le tout solaire pour un préchauffage solaire suivi d'un appoint éventuel de la chaudière.

Inconvénients :
  • Fini le plaisir maîtrisé d'une douche garantie 100 % solaire. La chaudière peut se déclencher quand elle en a besoin.
  • Des petits êtres squattent ma douche pendant de longues minutes.
Avantages :
  • Fini la douche Écossaise.
  • Fini les manipulations techniques.
  • Surchauffe inconnue pour les C2 inclinés à 45°
  • L'hiver l'eau de distribution arrive à une température comprise entre 10 et 15°, le solaire préchauffe régulièrement 420 litres à 30°.
  • Je ne dors plus sur la canapé.
  • Ma serviette de bain ne disparaît plus mystérieusement.
  • Mes enfants m'appellent de nouveau « papa chéri »

Conclusion :

  • J'oublie souvent qu'une partie de mon eau chaude est solaire car ça fonctionne tout seul.
  • Le monitoring m'a appris que même si le chauffage reste la principale dépense, l'ECS prend une part bien plus importante de la facture de gaz. que je ne le pensais. (Le détail est plus complexe car le ballon ECS intégré à la chaudière hérite d'une branche du circuit de chauffage. De ce fait le ballon perd de la T° (par thermosiphon) au profit du circuit de chauffage et vice-versa.)
  • Les premières factures ont montré tout de suite une baisse significative de la consommation. 
  • Le faible coût et la mise en œuvre en auto installation (entre 1500 et 2000€ tout compris) permet un retour plus rapide des sommes investies.
  • J'ai naturellement isolé les canalisations par la suite.
  • Le caractère dégradé / médiocre du système m'épargne une quelconque décharge. Pas besoin de bâcher non plus.
  • Ma maison n'est pas adaptée au chauffage solaire, même avec une isolation performante. Il reste encore des ponts thermiques (dalle-murs extérieurs). Le chauffage par le sol n'est pas envisageable sans tout casser. A la limite des murs chauffants pourraient être mis en place, mais en sacrifiant des pièces « propres ».
  • Un vrai ballon solaire aurait été certainement plus simple et efficace. Mais le système fonctionne quand même.
  • Il est urgent de ne rien faire dans sa maison, de la connaître d'abord, puis de l'isoler en intégrant son projet solaire dès cette étape, même si on ne le réalise que plus tard.

Remerciements :

Mes remerciements les plus sincères vont aux membres que j'ai déjà cité dans ce compte rendu, mais ils ne seraient pas complets si je ne citait pas :
  • Pierre Amet qui a mis toute son énergie dans le projet APPER, dans l'expérimentation et la diffusion des connaissances du solaire.
  • La patience et l'implication des administrateurs et modérateurs d'hier et d'aujourd'hui.
  • Eric Collin qui travaille dans l'ombre pour que le site et le forum restent accueillants
  • L'ensemble des membres qui offrent un peu de leur temps, de leurs connaissances, de leurs expérimentations, de leur bonne humeur pour que le forum de l'APPER reste une référence pour le solaire thermique.


Petit message perso pour Eric :

Non je ne suis pas en retard pour le CR.
Je voulais juste avoir un peu de retour sur le fonctionnement de l'installation.
Je ne tape pas vite sur le clavier.
Mon ordi rame.
Il fait froid dans le Nord et c'est pas facile de taper avec des mouffles …(Je sais que le nord commence pour toi au Nord de Marseille)
J'ai pas de place sur mon bureau pour le petit Larousse et le Bescherelle.
Je voulais pas rater les reportages solaire sur la 5.

Ou alors j'ai pas donné le bon exemple, mais tu me pardonneras j'en suis sur. ;-)

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